Juin 2009

Clarté stratégique et démarche unitaire


Le Conseil national du PCF des 19 et 20 juin a été équilibré concernant l'analyse du résultat des élections européennes et le score obtenu par le Front de gauche. D'un côté, il a enregistré l'élection de cinq députés, dont la reconduction des deux sièges communistes sortants, qui feront partie du groupe de la Gauche unie européenne, et il a fait le constat de la déconnexion des sorts respectifs de la gauche d'alternative et de la gauche sociale-démocrate qui, elle, s'est effondrée. De l'autre, il a débattu du fait que le Front de gauche n'est pas parvenu à faire le lien de la rue aux urnes et aux institutions, et que la gauche d'alternative ne capte pas les voix perdues par le PS.

Faute de mise en oeuvre innovante de la démarche positive énoncée au CN d'octobre 2008, où le PCF annonçait vouloir une convergence la plus large possible des " forces sociales et politiques ", la médiation entre l'espace des partis et les citoyens ne se fait pas. Et l'on a retrouvé le mode traditionnel que recouvre le slogan hyper-délégataire " Notre union, c'est votre force ". En fait, les cartels d'organisations et de sommet permettent de scénariser en positif l'unité, mais pas de produire une action politique de masse.

Le CN a aussi été le théâtre d'un échange intéressant sur la nécessité de novation quant au projet politique. Au-delà des prises de position " pour la novation ", qui rompent heureusement avec la position défensive consistant à répéter qu'il existerait déjà des propositions révolutionnaires - sans s'interroger sur pourquoi elles ne font pas sens auprès des communistes, ni dans la société -, l'enjeu concerne les conditions de la production de sens nouveau. Pour nous, le lien est direct avec la démarche unitaire.

La démarche unitaire n'est pas seulement question d'alliances électorales : le périmètre du rassemblement et l'existence d'espaces de construction politique ont vocation à stimuler et enrichir le travail sur les contenus. Voilà pourquoi il n'y a pas d'abord le travail sur les contenus et ensuite le travail sur le rassemblement. Et c'est en ce sens que la participation de la Fédération pour une alternative sociale et écologique au Front de gauche n'était pas et n'est pas un enjeu marginal ou d'organisation, mais un enjeu qui concerne les contenus et la conception de la politique.

Reste que la production d'un projet alternatif ne doit pas empêcher la clarté stratégique : l'avenir du Front de gauche se joue avec la question des alliances aux prochaines élections régionales. L'ambiguïté actuelle de la direction nationale du PCF est, pour le moment, totale concernant le choix de présenter ou non des listes du Front de gauche, élargies et autonomes du PS, ou celle de construire un autre front avec le Parti socialiste, dès le premier tour.

Une telle ambiguïté, au nom d'une " ambition plus large ", est surtout motivée par la croyance qu'il existerait des possibilités plus efficaces que celle de la clarté stratégique pour préserver des sièges. Avec, en filigrane, la difficulté récurrente à s'émanciper du PS. Cela peut conduire à l'incohérence suivante : la construction prochaine d'alliances à la carte, comme si le PCF devenait un regroupement d'organisations régionales.

Pour notre part, nous avons fait le constat que le Parti de gauche et la Gauche unitaire parlent clair sur ce point cardinal. Ils proposent ce que nous souhaitons aussi : des listes du Front de gauche élargi - il faudra dire à qui et comment franchir des étapes vers une participation directe des citoyens - au premier tour, dans toutes les régions, avant une fusion des listes de gauche, sans le MoDem, pour obtenir des majorités de gauche dans les régions. Et pour des politiques régionales plus ambitieuses, transformatrices.

Nous avons la conviction qu'une telle stratégie, cohérente, peut permettre une véritable percée de la gauche de transformation sociale, et qu'elle constitue, à l'inverse d'un retour à une forme de gauche plurielle, le meilleur moyen de donner toutes ses chances à la gauche en mars 2010.

Gilles Alfonsi et Philippe Stierlin