Titre: communisme en mouvement

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14 Avril 2010 :

Lettre adressée aux membres du PCF

Nanterre, le 2 avril 2010

Cher camarade,

La décision que nous avons prise de ne plus être membres du Parti Communiste suscite de la part de beaucoup d'entre vous, de légitimes interrogations.

Je veux y répondre.

Croyez que cette décision n'a pas été prise à la légère, elle est le fruit d'un long et douloureux cheminement.

J'exprime en effet depuis maintenant plus de 15 ans, des désaccords sur la conception du rassemblement mis en oeuvre par le Parti Communiste, en décalage de plus en plus marqué avec les aspirations des citoyens d'aujourd'hui au regard des mutations de la société et des défis nouveaux à relever.

Depuis les élections municipales de 1995, avec notamment les "Cahiers pour la ville", je me suis attachée avec d'autres et dans le cadre de la Municipalité d'Union, à essayer de défricher de nouveaux chemins, une autre façon de "faire de la politique", en partant des citoyens eux-mêmes et en stimulant leur intervention directe, concrète avec par exemple, les assises pour la ville, la miseen place de l'Agora, des commissions extra municipales ou les appels à projet...

Nous avons fait de même pour construire la liste des Municipales et permettre l'élection de nombreux citoyens citoyennes qui ne sont membres d'aucun parti, mais sont investis dans les activités locales.

Parallèlement à ces chantiers, ces expériences réalisées à l'échelle de la ville et croisées, confrontées à celles d'autres élus et acteurs du mouvement social dans le cadre des forums sociaux mondiaux (FSM), je me suis attachée à formaliser ces pratiques nouvelles et à en débattre partout, y compris bien sûr, au sein de mon parti pour aider à avancer sur l'analyse de la société actuelle et les changements à opérer dans un but d'efficacité.

J'ai hélas été d'emblée confrontée - avec les camarades porteurs de ces nouvelles pratiques - à l'hostilité de la direction du Parti et à son refus d'aborder ce débat sur le fond, considérant l'échange pluraliste comme, un mal à éliminer car à ses yeux source de division et tentant de leréduire à des rivalités élus/section, voire à des questions de personnes.

Au lieu de prendre à bras le corps ces grands débats cruciaux face aux défis nouveaux à relever, réfléchissant et nous enrichissant ensemble des approches de chacun pour faire émerger des voies nouvelles, nous avons été traités comme des dissidents occupés à porter des coups, voire à "liquider" le Parti Communiste.

Si ce "traitement" de la part de mes camarades, a été douloureux pour moi qui suis communiste depuis toujours et le reste, je ne m'attarderai pas sur ce point car le plus important est ailleurs.

L'essentiel c'est qu'au fil de toutes ces années, malgré la mutation profonde de la société, malgré le constat de l'absence de débouché politique aux mouvements sociaux, malgré le recul de l'audience du PCF en adhérents comme en nombre d'élus à tous les niveaux, celui-ci n'a pas été en mesure de se remettre en cause réellement ni sur sa conception de la politique qui tend à déposséder les citoyens de leurs prérogatives, ni sur son mode d'organisation qui tend à subordonner les autres acteurs à ses propres décisions.

De ce point de vue, le refus de la candidature commune à l'élection présidentielle de 2007 conduisant à faire capoter l'émergence d'un rassemblement pluriel inédit, prolongement de la dynamique enclenchée par la victoire du NON au référendum sur la Constitution Européenne, a constitué pour moi comme pour beaucoup, une rupture grave .

Il a donné à voir jusqu'où le PCF pouvait aller pour garder à tout prix l'hégémonie, la maîtrise des rassemblements. Il a montré au fond - comble du paradoxe - sa crainte du mouvement populaire. Cette attitude a conduit à un échec électoral cinglant pour le Parti. (1,93 % pour Marie-Georges Buffet) et à l'éclatement du rassemblement pluriel qui commençait à s'opérer.

Elle a montré que la direction actuelle sourde aux alertes et aux débats, campée sur ses certitudes, se trompe d'enjeu en privilégiant le maintien de son appareil sur l'objectif qui devrait être le sien et qui justifie notre engagement à tous : aider aux rassemblements majoritaires pourremettre en cause, pas à pas, la société capitaliste.

J'ai à ce moment là, hésité à quitter le Parti.

Je ne l'ai pas fait dans l' espoir que le score de la présidentielle, suivi de la perte de six députés - ne nous permettant même plus d'avoir un groupe à l'Assemblée Nationale - , allait stimuler nos réflexions, provoquer des débats constructifs et faire émerger des évolutions positives dans le fonctionnement de l'outil qu'est le Parti, comme dans la conception de la stratégie à mettre en oeuvre.

J'ai eu un petit espoir lors de la mise en place du Front de Gauche, même si, dès le départ, nous avons avec Patrick JARRY et d'autres attiré l'attention sur son caractère réducteur et étroit. C'était cependant un geste qui allait dans le bon sens, nous lui avons donc accordé notre soutien.

Malheureusement, la suite a montré que nos craintes liées à l'étroitesse de la conception de départ du Front de Gauche, éloignée de la base et réduite à un tête à tête entre deux formations politiques, ne pouvait pas créer la dynamique indispensable face à l'ampleur des ambitions nécessaires.

Les élections Régionales en ont apporté la preuve : illisibilité politique avec sept configurations d'alliances différentes dans le pays ; mise à l'écart systématique et indépassable de camarades portant des différences mais membres à part entière de notre parti et reconnus pour leurrayonnement bien au-delà de nos rangs ; décisions de "sommet" pour la constitution des listes et combinaisons notamment entre les deux tours, pour faire élire prioritairement les membres de l'appareil conduisant à des parachutages incompréhensibles pour les électeurs et méprisants pour les camarades des départements concernés. A tout cela s'ajoute la façon dont les "partenaires", après avoir servi pendant la campagne à montrer l'élargissement prôné, ont été finalement écartés des postes d'élus !

Toutes ces pratiques, sévèrement et légitimement rejetées par nos concitoyens, ont empêché la dynamique nécessaire pour gagner et conduit à la perte de 90 sièges sur l'ensemble du territoire alors que le score global de la Gauche est à un niveau jamais atteint depuis 1981.

Force est donc de constater l'impossibilité de faire évoluer les pratiques de notre parti qui non seulement n'est plus moteur d'audaces, de propositions novatrices comme il l'a été dans le passé, mais se révèle être un frein aux réflexions, aux convergences nécessaires pour dépasser le capitalisme.

Je ne peux plus continuer de cautionner une telle stratégie suicidaire autant qu'inefficace, ni de telles pratiques si contraires à mes valeurs. C'est difficile, mais je dois vous le dire, je suis au bout de ce chemin.

Telles sont, chers camarades, les raisons qui m'ont conduite à décider de quitter le PCF.

Beaucoup de camarades l'ont fait, le font individuellement "sur la pointe des pieds" comme ils disent, "pour ne pas risquer de nuire"...

Quand on est député ou maire, on ne peut le faire que publiquement ce qui présente au moins l'avantage de lancer un vrai débat sur un vrai sujet : comment se mettre plus et mieux au service du rassemblement de la gauche de transformation sociale pour sortir du carcan actuel droite/gauche d'accompagnement du libéralisme ?

Comment contribuer de manière efficace à un rassemblement transformateur à vocation majoritaire, donc dépassant les partis politiques, dans le but de faire gagner la gauche politiquement et pas seulement en résultats chiffrés ?

Nous vivons une crise sociale, écologique et démocratique, sans précédent.

Dans sa course effrénée aux profits, le capitalisme, source de rapports sociaux d'une rare violence en est arrivé à tout marchandiser autrement dit à tout vendre sur les marchés financiers, tout, jusqu'à notre santé et notre vie.

Jamais les inégalités n'ont été aussi grandes, jamais les souffrances aussi fortes conduisant certains à préférer mettre fin à leurs jours.

Il y a plus que jamais urgence à créer les conditions d'avancées significatives sur la voie d'une autre conception de la société.

Partout, des mobilisations citoyennes émergent, entrent en action, sous l'impulsion des syndicats et des partis politiques, mais aussi et de plus en plus sous forme de mouvements : des sans logis, des sans papiers, des chômeurs, de lutte contre la précarité ou les discriminations, de militants de l'écologie politique.

Nous ne gagnerons pas si nous ne faisons pas sauter les frontières qui séparent toutes ces personnes, toutes ces forces organisées ou non.

Il s'agit donc de sortir des sentiers battus et d'ouvrir des espaces où se mêlent toutes les « portes d'entrée dans l'action » et toutes les cultures, à l'image de notre ville et de la société réelle.

Pas seulement pour contester le développement sur le mode capitaliste et l'emprise social libérale actuelle, mais surtout pour contribuer au bouillonnement d'idées autour d'un autre mode de développement, celui de la société post capitaliste et faire avancer l'élaboration de propositions concrètes qui donnent un sens, montrent une voie nouvelle de développement et d'organisation.

C'est pour faire plus et mieux dans ce sens, pour nous mettre au service de toutes les mobilisations qui émergent, pour stimuler un renouveau de la politique qu'avec Patrick Jarry nous avons décidé de sortir du cadre étroit que constitue hélas aujourd'hui notre Parti.

Nous sommes et restons bien sûr très attachés à nos convictions et aux camarades avec lesquels nous avons tant travaillé au fil de toutes ces années.

Nous voulons poursuivre avec vous tous, le travail engagé et les luttes nécessaires locales et/ou nationales. Il faut impérativement et d'urgence, à la fois élargir le cercle et accentuer la place de l'intervention citoyenne.

C'est ce à quoi nous allons nous atteler et je ne doute pas que dans la durée, chacun pourra s'y inscrire dans les formes qu'il ou elle aura choisies.

Fraternellement.

Dr Jacqueline Fraysse

Députée de Nanterre-Suresnes

Conseillère municipale de Nanterre