Titre: communisme en mouvement

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26 Mars 2010 :

Que faire ? Autre chose ? Autrement ?

Contribution de François Asensi

La séquence électorale des régionales marque une nouvelle phase de marginalisation, mais ne peut résumer à elle seule l'impuissance du Parti communiste français à influer sur l'évolution de la gauche française.

Le déclin inexorable de la formation communiste est inscrit depuis de longues années dans une sorte d'autisme politique qui réduit le champ de sa pensée à une nostalgie, l'enferme dans une puissance passée et la condamne aux alliances électorales en position minoritaire, hier la gauche «plurielle», demain peut-être une gauche "solidaire".

L'absence de visée transformatrice, de projets, de stratégie politique, tout cela révèle la perte de substance intellectuelle de cette formation dont l'objectif principal semble être d'assurer la survie d'une structure.

Alors qu'un débat pluraliste s'exprime dans toutes les formations politiques et concourt à leur rayonnement, ce débat pluraliste est considéré par les dirigeants actuels comme une plaie qu'il faut cautériser.

Ce choix mutilant a été décidé au dernier congrès du Parti communiste et a eu pour conséquence d'éliminer toute contestation, toute proposition qui n'entrait pas dans le logiciel officiel. Il en a résulté également la marginalisation, si ce n'est l'élimination, de tous les camarades porteurs d'options alternatives.

L'esprit de fermeture qui a conduit au refus d'une candidature unitaire de la gauche antilibérale en 2007 n'a en rien reculé et le lancement du Front de gauche n'a pas interrompu ce cycle. L'ambition initiale d'un front à vocation majoritaire dans la gauche a été sacrifiée sous une composition trop étriquée et éloignée de la base.

L'entre-deux tours des élections régionales a ainsi autorisé les responsables du Parti à des combinaisons d'appareil sous couvert de négociations. Des méthodes inqualifiables qui ont conduit à la disparition des listes de tous les candidats qui n'appartenaient pas au pré-carré de la place du Colonel Fabien.

Dans le même temps, la présence de militants communistes dans des alliances à géométrie variable, au gré des rapports de force régionaux, a souligné l'incohérence de la stratégie du Parti communiste. Cet éparpillement a définitivement signifié, je le crois, l'impossibilité de maintenir l'unanimisme d'un appareil qui se fissure.

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Sans doute animé par une conviction inébranlable dans un futur solidaire et émancipateur de l'humanité, j'ai pensé que la visée communiste restait l'horizon du Parti communiste français en dépit de ses comportements étroits, de ses oukases, de ses anathèmes.

Après des années de militance, et pour moi des dizaines d'années d'engagement pour changer le communisme politique français, je ne peux que constater notre impuissance et plus encore nos échecs.

Changer ne signifiait pas affadir le projet communiste, mais au contraire, le transcender pour en faire une force éthique, un guide pour l'action, une composante indispensable d'une gauche de transformation sociale.

Après toutes ces années, toute avancée, même la plus ténue, paraît impensable à une structure vieillissante qui se sclérose et se replie sur elle-même. Son corpus idéologique se réduit à des slogans du type : « Nous voulons rassembler toute la gauche, il n'existe qu'une seule gauche ». Comme si l'Histoire de France, depuis les Lumières et la Révolution, n'avait pas produit des courants de pensée divergents, avec d'un côté une gauche radicale et de transformation sociale et de l'autre une gauche d'accompagnement, quand ce n'est pas tout simplement une gauche de capitulation.

Naturellement, le débat entre ces différents courants de pensée est nécessaire, utile et indispensable parce que les forces progressistes doivent trouver le chemin du rassemblement et de l'action pour la transformation sociale.

J'ai toujours pensé que le métissage des cultures politiques en démocratie était source de créativité et d'innovation politique. De la même manière que la prise en compte des parcours militants et le respect des patrimoines les plus divers pouvaient converger en une force nouvelle, capable de changer une société de plus en plus dure et injuste.

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Changement : voilà le maître-mot de toutes les formations politiques de gauche comme de droite. Mais changer, pour quoi faire ? Changer comment ? Et quelle place accorde-t-on au citoyen dans ce processus ?

La question de la radicalité mérite une nouvelle fois d'être abordée. Mais en l'espèce, il s'agit moins d'en adopter la posture, en guise de slogan qui nous différencierait des politiques d'accompagnement du libéralisme, que d'affirmer la radicalité d'un projet émancipateur. Si, comme je le crois nous traversons une urgence sociale, si le tocsin écologique sonne pour l'avenir de la planète, si les discriminations gangrènent le lien social, si la démocratie recule devant l'individualisme forcené et le dogme de la compétition, si la domination du capital écrase toute réinvention de la place du travail, alors oui il faut changer de société.

Comment imaginer que l'explosion des inégalités entre le Nord et le Sud, au sein des pays riches et des pays pauvres, puisse former le socle d'un monde pacifié et démocratique ? Comment concevoir une fin de l'Histoire sur une planète plus que jamais minée par cette violence ?

Une nouvelle page est à écrire, la société post-capitaliste est à l'ordre du jour. Il faut la construire dès aujourd'hui. La construire dans les luttes sociales, sociétales, écologiques, internationales. Il nous faut affirmer l'ambition d'une gauche de transformation sociale qui conteste l'emprise social-libérale, qui gagne la bataille des idées et construise pas à pas une hégémonie intellectuelle, au sens gramscien du terme.

"Changer de société" est un mot d'ordre que le Parti communiste français a éradiqué de son vocabulaire. Pourtant, c'est bien l'enjeu aujourd'hui avec la crise systémique du capitalisme. Jamais les thèses marxistes n'ont été d'une actualité aussi brûlante. Elles mettent en lumière ce capitalisme prédateur qui a financiarisé toutes les activités humaines pour ses profits à court terme. Un capitalisme qui spécule contre les Etats pour rallier les gouvernements à son entreprise de régression sociale. Un capitalisme qui n'envisage aucune limite à la marchandisation de l'humain, de sa culture, et de son environnement. Le capitalisme vert, et son avatar, l'écologie de marché, sont autant de leurres qui ne masquent pas un productivisme sans rivage qui asservit le vivant et meurtri les écosystèmes.

Je veux dire ici que le capitalisme d'État qui se prétend communiste conduit aux mêmes errements.

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Changer de société c'est donner un cap démocratique et révolutionnaire. C'est surtout affirmer haut et fort que le principe de justice, d'égalité et de liberté doivent être au c½ur de cette société.

L'abstention massive dans les urnes n'est pas un renoncement, mais un cri de colère contre notre incapacité à renverser les dominations. Je ne crois pas au rejet de la chose publique, je vois simplement des citoyens qui désespèrent d'un champ politique pris en otage par l'économie. Partout, des mobilisations citoyennes émergent et s'étayent : mouvement des sans, militants de l'écologie, salariés refusant le chômage et la précarité, associations de lutte contre les discriminations, tous s'engagent pour se réapproprier leur destin, et font politique, au sens premier du terme.

La frontière mortifère qui sépare ces luttes sociales du champ politique est un verrou à éliminer.

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Nous ne pouvons pas nous épuiser à vouloir bouger les choses au PCF. Nous ne pouvons pas, non plus, accorder des excuses à des dirigeants campés sur leurs certitudes.

Je crois que le renouveau politique est à construire ailleurs. J'irai pour ma part vers ces chemins nouveaux avec des convictions bien à gauche, révolutionnaires parce qu'elles restent plus que jamais communistes.